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Jurisprudences

Rappel du principe de non-mitigation

Ce principe est posé de façon constante par la Cour de Cassation, la question étant toujours de savoir si la victime a un devoir de minimiser son dommage dans l’intérêt du responsable.

Ainsi, ce principe protège la victime qui ne peut se voir reprocher par le régleur de refuser des soins, même sans risque notoire.

Le 15 décembre 2022, la Cour de Cassation a de nouveau affirmé ce principe au sujet de l’aide à la tierce personne.

Il est en effet reproché à la Cour d’Appel d’avoir limité le besoin en tierce personne pour la victime en retenant que, pour les courses, celle-ci pouvait fractionner le port des charges lourdes et réduire le temps de présence dans les rayons ou encore avoir recours à des services de livraison à domicile.

Le rappel de ce principe est d’autant plus heureux qu’il concerne ici un poste en général très discuté dans l’indemnisation des victimes : l’aide à la tierce personne. On voit en effet trop souvent apparaître une volonté des régleurs d’instituer une hiérarchie des aides où les besoins en aide humaine seraient évalués après la mise en place des aides techniques et de l’aménagement du logement.

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La question de l’état antérieur évoluant pour son propre compte dans l’indemnisation de la victime

La cour de Cassation de manière ancienne et constante considère que « le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été ni provoquée ni révélée que par le fait dommageable ».

Elle le rappelle régulièrement et a du encore une fois le rappeler par un arrêt du 9 février 2023.

Souvent évoqué dans le cas de l’état antérieur (non connu ou asymptomatique) de la victime aggravé par le fait dommageable, il est aussi fréquent de rencontrer des victimes atteintes d’une « pathologie évoluant lentement pour son propre compte ».

S’engouffrant dans ce vocable, le régleur fait alors valoir pour minimiser l’indemnisation, et alors même qu’elle est asymptomatique, que tôt ou tard la victime aurait souffert des conséquences de cette maladie. Les victimes se voient alors tout juste reconnaitre une dolorisation d’un état antérieur.

Dans cette logique de raisonnement, la Cour d’Appel avait donc refusé l’indemnisation de l’incapacité professionnelle de la victime par cette motivation : « Si l’état dégénératif arthrosique n’était pas symptomatique au moment de l’accident, il ne s’agit pas d’une pathologie latente soudainement décompensée, mais d’une pathologie évoluant lentement et pour son propre compte, qui existait antérieurement à l’accident et qui, faute de nécessité d’un examen d’imagerie adaptée, n’avait pas, jusque-là, été mis au jour. »

Rappel à l’ordre la cour de Cassation qui reprend la motivation habituelle.

Ainsi, il n’y a donc pas à distinguer, comme l’a fait la Cour censurée, entre pathologie latente décompensée et pathologie évoluant pour son propre compte.

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Indemnisation des besoins en tierce personne durant les périodes d’hospitalisation de la victime

L’assistance tierce personne (ATP) permet l’indemnisation de la victime dès lors qu’une assistance est rendue nécessaire par son état de santé. Cette aide peut être temporaire ou définitive et revêtir plusieurs aspects (surveillance ; assistance à la personne pour l’habillage ou la toilette ; aide ménagère ;  aide pour les déplacements…)

Cette assistance ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime ; elle indemnise aussi sa perte d’autonomie la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne. Elle doit ainsi permettre à la victime de préserver sa sécurité et contribuer à la restaurer dans sa dignité.

Or trop souvent, par principe, l’aide à la tierce personne se trouve écartée durant les périodes d’hospitalisation, la question n’étant même pas abordée en expertise.

La motivation de la Cour d’Appel censurée en l’espèce par la Cour de Cassation est éloquente à ce sujet puisqu’elle considère que « l’hospitalisation tend à suspendre les contraintes de la vie quotidienne et garantit au patient un niveau élevé de sécurité ».

La censure de la Cour de Cassation rappelle une réalité de la situation des victimes : leurs besoins ne cessent pas à l’entrée de l’hôpital.

En effet, la victime peut avoir besoin d’une aide y compris pendant les phases d’hospitalisation (entretien du domicile, aide à des services administratifs, accompagner les enfants à l’école, s’occuper des animaux de compagnie…)

La Cour de Cassation le 8 février 2023 rappelle donc que l’indemnisation au titre de la tierce personne ne peut être écartée par principe du fait de l’hospitalisation.

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Calcul du préjudice économique par ricochet d’un enfant en cas de divorce des parents

Le 19 janvier 2023, la Cour de Cassation apporte des éléments de précision d’une grande utilité sur le calcul du préjudice économique d’une victime par ricochet, en l’occurrence un des enfants de la victime directe.

En cas de décès de la victime directe, le calcul du préjudice économique de la famille (en réalité les membres du foyer fiscal) n’est pas chose aisée puisqu’il est tenu compte des revenus avant décès tant du foyer fiscal que de la victime directe, de la part d’autoconsommation de chacun d’entre eux et enfin de l’espérance de vie ou dans le cas des enfants de la durée prévisible du maintien au domicile des parents.

Une difficulté supplémentaire intervient dans l’hypothèse où les parents sont divorcés : faut-il tenir compte de la contribution à l’entretien et à l’éducation (la pension alimentaire) que le père versait à la mère décédée ?

Pour la Cour de Cassation, le préjudice économique d’un enfant du fait du décès d’un de ses parents doit être évalué sans tenir compte ni de la séparation ou du divorce de ces derniers, puisque cette circonstance est sans incidence sur l’obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, ni du lieu de résidence de celui-ci.

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Précision utile sur l’appréciation de le perte de revenus et de l’incidence professionnelle

Dans un arrêt du 19 janvier 2023, la Cour de Cassation reconnait le droit à indemnisation de la victime d’une agression au titre de sa perte de revenu en dépit d’un rapport d’expertise défavorable (en l’occurrence, il était mentionné que son état séquellaire n’était pas incompatible avec la reprise d’une activité professionnelle). Elle retient en effet que ces conclusions du rapport étaient contredites par une décision de la MDPH et la preuve d’un emploi antérieur.

De même, l’incidence professionnelle est prouvée par l’analyse de la situation socioprofessionnelle (décision de la MDPH et emploi antérieur) même si le patient présentait un état antérieur connu.

Il est important de rappeler qu’en plus – ou en l’occurrence en dépit-  du rapport d’expertise, les préjudices des victimes peuvent être prouvés par les pièces médicales et l’analyse de la situation socioprofessionnelle.

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Rappel nécessaire sur le principe de non affectation de la réparation

La Cour de Cassation opère le 4 janvier 2023 un rappel sur le principe de libre disposition de l’indemnisation allouée à la victime.

Elle rappelle tout d’abord le principe de réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime.

Elle relève ensuite que bien que la Cour d’Appel a constaté la nécessité pour la victime de prendre un traitement viager, elle en a limité l’indemnisation aux motifs qu’il n’était pas établi que ce traitement n’était pas pris en charge par la sécurité sociale.

L’arrêt est donc cassé.

Il est établi de longue date que le juge (ou le régleur) n’a pas à décider ou contrôler l’usage que fait la victime de son indemnisation. L’indemnisation revient à donner à la victime les moyens de satisfaire ses besoins, tout en gardant la libre gestion de son patrimoine.

Le principe est important concernant l’indemnité versée au titre de l’assistance d’une tierce personne car la victime peut décider de faire appel à son entourage sans que l’indemnité soit réduite ou refusée en considération de cette aide familiale.

C’est en effet le besoin qui fonde l’indemnisation et non la dépense.

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La politique d’indemnisation des victimes d’attentat du FGTI désavouée par la Cour de Cassation 

Par trois arrêts du 27 octobre 2022, la Cour de Cassation a reconnu, dans le cadre d’un acte de terrorisme, le droit à indemnisation des victimes par ricochet, c’est-à-dire les proches de la victime directe en cas de survie de celle-ci.

Pour rappel, la loi du 9 septembre 1986 a créé le FGTI, fonds de garantie dont le rôle est l’indemnisation des victimes d’attentats ou d’infraction.

L’indemnisation des victimes d’attentats a connu d’autres évolutions dont la dernière est la création du JIVAT, pôle du Tribunal Judiciaire de Paris qui a compétence exclusive pour trancher les litiges civils liés à la réparation du préjudice des actes de terrorisme.

Le JIVAT puis la Cour d’Appel de Paris validaient donc la politique du fonds qui subordonne l’indemnisation des victimes par ricochet au décès de la victime directe.

Dans le même temps, les victimes par ricochet dans le cadre d’une infraction voyaient leur préjudice intégralement réparé même en cas de survie de la victime directe.

La censure de la Cour de Cassation est heureuse et la formulation ne souffre pas de discussions : « n’est pas exclue, lorsque la victime directe d’un acte de terrorisme a survécu, l’indemnisation du préjudice personnel de ses proches selon les règles du droit commun ».

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Le rente accident du travail n’indemnise plus le déficit fonctionnel permanent (DFP)

Depuis 2009, selon la Cour de Cassation, la rente AT indemnisait dans le cadre de l’imputation dite en cascade les pertes de gains professionnels (PGPF), puis l’incidence professionnelle (IP) et enfin le déficit fonctionnel permanent (DFP).

La victime pouvait voir son indemnisation très largement réduite en fonction de l’importance de la créance de la Caisse.

Par un arrêt du 20 janvier 2023, l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation est revenue sur cette position : désormais la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

Elle rejoint sur ce point la position du Conseil d’Etat qui rappelle que la rente AT a «pour objectif de réparer les préjudices que la victime subit dans sa vie professionnelle » et exclut donc le recours sur le poste du DFP qui est un poste de préjudice personnel.

Cet arrêt pourrait aussi avoir un très large impact sur les victimes d’accident du travail, en cas de faute inexcusable de l’employeur. Elles pourraient en effet solliciter l’indemnisation du DFP qui jusqu’à présent était englobée dans le versement de la rente AT…

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