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Monthly Archives:avril 2023

Préjudice professionnel, perte de revenus et préjudice sexuel : précision et rappel de la Cour de Cassation

Les faits :

Monsieur B. est victime d’un accident de moto en 2010.

Son droit à indemnisation n’est pas contesté par l’assureur.

Suite au rapport d’expertise, un désaccord persiste entre la victime et l’assureur sur le montant de l‘indemnisation de ce dernier.

La procédure :

Conseillé par Maître MESCAM, Monsieur B. porte ses demandes indemnitaires devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux puis interjette appel de la décision.

La Cour d’Appel de Bordeaux a rendu sa décision le 11 mai 2021 dont il sera interjeté pourvoi par la victime.

Problème soumis à la Cour de Cassation :

La Cour de cassation sur pourvoi du Cabinet a par arrêt du 30 mars 2023 censuré la décision de la Cour d’Appel de Bordeaux sur trois points.

Il était reproché à la Cour d’Appel :

  • De ne pas avoir indemnisé le préjudice sexuel indépendamment du taux de Déficit Fonctionnel Permanent
  • De ne pas avoir retenu l’avantage que représente les tickets-restaurant au titre de la perte de revenus
  • De ne pas avoir retenu de perte de revenus pour la victime postérieurement à la rupture conventionnelle avec son employeur alors même qu’elle avait perdu son statut de cadre, obérant nécessairement l’évolution de sa rémunération ; s’ajoutait de plus un sentiment de déclassement.

Solution de la Cour de Cassation :

Sur la question du préjudice sexuel, la cassation n’est pas étonnante puisqu’il est établi de longue date par la nomenclature Dintilhac et par la jurisprudence qu’il est distinct du poste du déficit fonctionnel permanent. Peu importe en l’occurrence que l’expert ait décidé de le prendre en compte dans le DFP (le rapport d’expertise ne lie pas le Juge !)

Sur la question des titres-restaurant, la Cour de Cassation a retenu qu’il s’agit « d’un accessoire de la rémunération servie au salarié, qu’il ne constitue pas un remboursement de frais, mais un avantage en nature payé par l’employeur qui entre dans la rémunération du salarié ».

Dès lors, « la contribution de l’employeur à l’acquisition, par le salarié, de titres-restaurant, correspond, pour ce dernier, à un complément de rémunération dont la perte constitue un préjudice indemnisable ».

Sur la question du préjudice professionnel, la Cour de cassation censure en retenant qu’il fallait rechercher si la rupture conventionnelle du contrat de travail, intervenue après un reclassement au sein de l’entreprise à un poste adapté aux séquelles, était en lien ou non avec l’accident.

La précision est en la matière importante car elle permet de prendre en compte la perte de revenus après la rupture conventionnelle dès lors qu’il est établi qu’elle est la conséquence de l’accident.

Lien Légifrance

Le secret médical et l’expert

« Les choses que je verrai ou que j’entendrai dire dans l’exercice de mon art, ou hors de mes fonctions dans le commerce des hommes, et qui ne devront pas être divulguées, je les tairai, les regardant comme des secrets inviolables. » (serment d’Hippocrate)

Le secret médical, qui trouve son origine dans le serment d’Hippocrate, est un devoir fondamental de l’exercice de la profession médicale, aujourd’hui encadré tant sur le plan pénal que déontologique.

Le secret médical est un devoir du médecin et un droit du patient. En dehors des exceptions strictement encadrées par la loi, le médecin n’a pas le droit de révéler une quelconque information sur un patient sans l’accord de celui-ci.

Une telle violation est punie de 1 an d’emprisonnement et 15 000€ d’amende, à laquelle peut s’ajouter la mise en œuvre de la responsabilité du médecin dès lors que le patient souffre d‘un préjudice moral ainsi que les sanctions disciplinaires.

En matière de dommage corporel, s’est posée la question du respect du secret médical au cours des expertises : l’expert est-il délivré de cette obligation dans la mesure où la victime n’est pas son patient ?

La réponse, si elle paraissait évidente, ne l’était en réalité par pour tout le monde…

En l’occurrence, la victime d’un accident de la circulation avait subi une expertise diligentée par un assureur dans un cadre amiable. Contrainte de demander plus tard la désignation d’un expert judiciaire, elle avait eu la désagréable surprise de voir le médecin-conseil de l’assureur produire devant l’expert judiciaire le rapport d’expertise médicale établi par ses soins.

Elle avait alors déposé plainte pour violation du secret médical.

Sur le plan pénal, la Cour de cassation confirmait le 16 mars 2021 que « la communication à un tiers d’une pièce médicale couverte par le secret médical est par principe interdite, sauf accord exprès de la personne concernée »

Sur le plan disciplinaire, la chambre disciplinaire du Conseil de l’Ordre des Médecins avait infligé un blâme au médecin. En appel, la chambre disciplinaire nationale avait annulé cette décision et rejeté la plainte de la victime.

Le Conseil d’Etat annule cette décision le 15 novembre 2022 et retient « qu’il résulte de l’article L.1110-4 du Code de la santé publique que le partage d’informations couvertes par le secret médical entre professionnels de santé requiert le consentement de la personne concernée »

Lien Légifrance Conseil d’Etat

Lien Légifrance Cour de Cassation

L’assureur condamné pour avoir été pingre !

La condamnation de l’assureur pour offre insuffisante est bien connue des habitués du contentieux des accidents de la circulation puisque le Code des Assurances prévoit expressément les sanctions encourues.

En dehors des accidents de la circulation, les régleurs non sanctionnés – du moins jusqu’à présent – n’hésitaient pas à faire des offres insuffisantes (pour ne pas dire méprisantes compte-tenu des préjudices subis par les victimes)

Aussi la position du Conseil d’Etat dans son arrêt du 21 mars 2023 est-elle la bienvenue et pourrait enfin sonner la fin de la récré !

Le Conseil d’Etat, qui est notamment compétent pour l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux subis dans les établissements de santé publics, a condamné l’assureur de l’hôpital en cause au paiement d’une indemnité destinée à réparer les préjudices ayant résulté directement pour la victime ou ses ayants-droits du caractère manifestement insuffisant de l’offre. Le Conseil d’Etat énonce très clairement que « ce préjudice est constitué par le fait pour la victime ou ses ayants-droits de s’être vu proposer une offre manifestement insuffisante au regard du dommage subi et d’avoir du engager une action contentieuse pour en obtenir la réparation intégrale en lieu et place de bénéficier des avantages d’une procédure de règlement amiable. »

Reste à savoir ce qui pour le Juge Administratif représente une offre manifestement insuffisante…

Lien Légifrance