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Monthly Archives:avril 2024

L’imprudence de la victime non conductrice n’est pas une faute inexcusable

L’article 3 de la loi Badinter du 5 juillet 1985 dispose « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident. »

Depuis une série d’arrêts du 20 juillet 1987, la Cour de Cassation a défini la faute inexcusable de la sorte : « seule est inexcusable, au sens de la loi du 5 juillet 1985, la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait du avoir conscience. »

Le 21 décembre 2023, la Cour de cassation a censuré une cour d’appel d’avoir caractérisé une telle faute dans un cas où finalement même si la victime a été imprudente, elle n’a pas commis de faute inexcusable. Précisons que la victime « évoluait sur une planche à roulettes, à très vive allure, dans une rue à forte déclivité, sans avoir arrêté sa progression en bas de cette rue, dans une ville très touristique, au mois d’août, à une heure de forte circulation, en étant démuni de tout système de freinage ou d’équipement de protection ».

La Cour de cassation adopte par cette position l’esprit qui a présidé au vote de la loi Badinter de pouvoir indemniser la quasi-totalité des victimes non-conductrices.

Lien légifrance

Préjudice d’établissement et perte de chance de fonder un nouveau foyer

Selon la nomenclature DINTHILAC, le préjudice d’établissement consiste en la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap.

Ce poste ne se confond pas avec le préjudice sexuel, et il peut exister indépendamment de tout préjudice sexuel.

Le préjudice d’établissement ne se limite à la perte de chance de se marier, de fonder une famille et d’élever des enfants. Il comprend plus généralement le bouleversement que subit la victime dans ses projets de vie : renoncer à une grossesse, ne plus pouvoir faire de rencontre, ne plus pouvoir élever ses enfants, …

Depuis une série d’arrêts du 15 janvier 2015, la Cour de Cassation ne limite pas le préjudice d’établissement à la victime qui n’aurait pas du tout pu fonder de famille. En effet, elle reconnait que ce préjudice recouvre aussi « en cas de séparation ou de dissolution d’une précédente union, la perte de chance pour la victime handicapée de réaliser un nouveau projet de vie familiale ».

C’est ce principe qu’elle a dû rappeler le 21 mars 2024 pour un père de famille dont les difficultés comportementales et psychiques avaient non seulement conduit au divorce mais compromettaient aussi tout chance de réaliser un nouveau projet de vie familiale.

Cass., Civ.2., 21 mars 2024, n°22-21.101, Lien Cour de Cassation 

Accident de la circulation et offre d’indemnisation : petite(s) piqure(s) de rappel sur les obligations de l’assureur

Le législateur de 1985 a entendu protéger les victimes d’accident de la circulation de la résistance que pourraient opposer les assureurs à les indemniser ou à verser des provisions dans un délai raisonnable.

En résumé, l’article L211-9 du Code des Assurances prévoit que l’assureur doit présenter une offre d’indemnité dans les huit mois de l’accident ; l’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice. L’offre a un caractère provisionnel si la victime n’est pas consolidée. En cas de non-respect l’assureur s’expose aux sanctions de l’article L211-13.

Il semble toutefois nécessaire de temps en temps de faire un rappel à l’ordre et/ou d’apporter des précisions.

C’est ce qu’a fait la Cour de Cassation par une série d’arrêt du 12 octobre 2023 :

  • Elle rappelle tout d’abord qu’une offre provisionnelle ne se confond pas avec une quittance de paiement d’une provision. Cette offre doit ainsi comprendre tous les éléments et non se contenter de mentionner une somme sans plus de détails.
  • Les juridictions doivent aussi vérifier que l’offre est complète et suffisante et répondre précisément à la victime qui affirme le contraire.

Eu égard à la longueur des procédures, les pénalités prononcées à l’encontre des assureurs peuvent leur couter cher. Pour autant, elles n’ont pas toujours l’effet dissuasif attendu si on en croit les sanctions encore prononcées par les juridictions…

Lien arrêt 1

Lien arrêt 2

Lien arrêt 3