• +05 56 48 78 00

Monthly Archives:novembre 2015

Libre disposition des fonds alloués à la victime

Cass. Crim. 2 juillet 2015, n°14-83967

« Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que le principe de la réparation intégrale n’implique pas de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués à la victime qui en conserve la libre utilisation ;

Attendu que M. Elie Y… a été victime, le 20 juin 2009, d’un accident de la circulation, dont M. X…, assuré auprès de la société Axa France, reconnu coupable de blessures involontaires, a été définitivement déclaré tenu à réparation intégrale ; que M. Y… et Mme Z…, son épouse, ont demandé réparation des préjudices subis du fait de cet accident et, notamment, des dépenses de santé futures que M. Y… devra exposer ;

Attendu que l’arrêt attaqué a condamné M. X… au remboursement des dépenses de santé futures relatives aux appareillages de M. Y… à la suite de l’accident, au fur et à mesure de ses besoins et sur présentation des factures acquittées, en l’absence d’éléments suffisants quant à leur prise en charge par les organismes de sécurité sociale et aux prix de ces appareillages ;

Mais attendu qu’en subordonnant ainsi l’indemnisation de M. Y… à la production de justificatifs, alors qu’il lui appartenait, pour liquider son préjudice, de procéder à la capitalisation des frais futurs, en déterminant le coût de ces appareillages et la périodicité de leur renouvellement, en exigeant la communication des décomptes des prestations que ces organismes de sécurité sociale envisageaient de servir à la victime et en recourant, en tant que de besoin à une nouvelle expertise et à un sursis à statuer, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; »

 Le principe de la réparation intégrale n’implique pas de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués à la victime qui en conserve la libre utilisation. La Cour de Cassation censure un arrêt de Cour d’appel qui subordonnait le remboursement des frais de santé futurs à la production des factures acquittées.

On retrouve ici la notion d’indemnisation fondée sur la nécessité et non sur la dépense faite, la victime restant libre d’affecter les fonds perçus à ses dépenses nécessaires… ou pas.

Confirmation de l’absence d’obligation pour la victime de minimiser le dommage

Cass. 2ème civ. 26 mars 2015, n°14-16011 :

 « Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ;

Attendu que pour évaluer à la somme de 175 898,39 euros la perte de gains professionnels futurs, l’arrêt énonce que l’expert judiciaire retient que M. X… qui a toujours travaillé comme cuisinier, a été déclaré inapte à cette profession par le médecin du travail le 21 mai 2007 et licencié de son emploi pour inaptitude ; qu’il était à cette date dans l’incapacité de poursuivre l’activité de cuisinier mais aurait pu avoir une activité adaptée à ses capacités intellectuelles et physiques restantes tout en bénéficiant d’un reclassement pour trouver un emploi en fonction de ses séquelles ; que M. X… reste médicalement apte à travailler même s’il ne peut plus être cuisinier et qu’il est établi que le défaut d’activité professionnelle a pour cause, d’une part, l’état séquellaire consécutif à l’accident de la circulation routière du 23 octobre 2004, et, d’autre part, le refus du poste proposé par l’employeur dès lors qu’un changement de résidence n’était pas impossible matériellement pour la victime ; qu’il convient alors de retenir que les séquelles de l’accident interviennent pour 50 % seulement comme cause de l’impossibilité de retrouver un travail et qu’en fonction du calcul opéré par le premier juge pour déterminer la perte de gains professionnels futurs, l’indemnisation sera de 351 796,78 euros : 2 = 175 898,39 euros, après déduction du recours de l’organisme social ;

Qu’en statuant ainsi, en divisant par deux la somme allouée à la victime au titre de la perte de gains professionnels futurs en raison du refus d’un poste proposé par l’employeur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

 Une nouvelle fois, la Cour de Cassation censure un arrêt de cour d’appel ayant limité le dommage de la  victime en raison de l’attitude de celle-ci  dans l’évolution de son dommage. Celle-ci n’a en effet aucune obligation de chercher à limiter le dommage et reste libre de ses choix de vie.

Infection nosocomiale : refus de la victime de se soumettre à des traitements médicaux

Cass. 1re civ., 15 janv. 2015, n° 13-21.180 (JurisData n° 2015-000234)

« Vu l’article 16-3 du Code civil, ensemble les articles L. 1142-1 et L. 1111-4 du Code de la santé publique ;

Attendu que le refus d’une personne, victime d’une infection nosocomiale dont un établissement de santé a été reconnu responsable en vertu du deuxième de ces textes, de se soumettre à des traitements médicaux, qui, selon le troisième, ne peuvent être pratiqués sans son consentement, ne peut entraîner la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l’intégralité des préjudices résultant de l’infection ;

Attendu que pour limiter la responsabilité de la clinique aux conséquences de l’infection nosocomiale contractée par M. C. si elle avait été« normalement traitée », l’arrêt relève d’abord que si, selon l’expert, le patient, dépourvu de médecin traitant, n’avait pas refusé un transfert vers un autre établissement, quitté la clinique contre avis médical et, de retour chez lui, omis de consulter un autre médecin, une antibiothérapie adaptée au germe qui aurait pu être identifié par la poursuite des examens et analyses engagés lors de son séjour à la clinique et interrompus avant d’avoir abouti, aurait permis, dans un délai de quinze à trente jours, de résorber l’infection et d’éviter l’aggravation de son état ; que l’arrêt retient ensuite, distinguant entre réduction du dommage et évitement d’une situation d’aggravation, que les complications de l’infection initiale sont la conséquence du refus par ce patient, pendant plus d’un mois et en raison de ses convictions personnelles, de traitements qui ne revêtaient pas un caractère lourd et pénible ;

Qu’en statuant ainsi, en imputant l’aggravation de l’état de M. C. à son refus des traitements proposés, alors que ceux-ci n’avaient été rendus nécessaires que parce qu’il avait contracté une infection nosocomiale engageant la responsabilité de la clinique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

Le refus d’une personne, victime d’une infection nosocomiale dont un établissement de santé a été reconnu responsable, de se soumettre à des traitements médicaux ne peut entraîner la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l’intégralité des préjudices résultant de l’infection.