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Droit de la victime d’un accident de la route

Droit de la victime d’un accident de la route

Les droits de la victime d’un accident ne sont indemnisés que pour ses lésions corporelles dues à la prédisposition pathologique lorsque les conséquences sont causées ou seulement révélées comme la réalité de l’accident.

Le principe de l’indemnisation complète exige que la victime verse une indemnisation, sans perte ni profit.

Ce principe peut être compliqué dans son application lorsqu’il s’agit de l’état de santé initial de la victime : l’accident n’a-t-il pas simplement déclenché un dommage qui aurait dû logiquement survenir à court ou moyen terme ? Faut-il donc réduire le droit à réparation de la victime ?

La tenue du rapport du professionnel de la santé peut encore obscurcir la situation car le médecin légiste devra, sous mandat classique, vérifier l’état de santé initial de la victime.

Par son arrêt du 20 mai 2020, la 2e Chambre civile a l’occasion de revenir sur cette question dont l’impact financier peut être significatif.

Déjà, par un arrêt publié le 12 avril 1994 (C.Cass., Crim, 12 avril 1994, 93-84367), la chambre criminelle de la Cour de cassation a déclaré que  » le droit de la victime d’une infraction d’obtenir l’indemnisation pour ses lésions corporelles, ne peut être réduite en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en résulte n’a été causée ou révélée qu’à la suite de l’infraction « .

Cette position a ensuite été répétée à plusieurs reprises :

Cass., Civ. 2, 8 juillet 2010, n° 09-67592:  » le droit de la victime à réparation pour préjudice corporel ne peut être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en résulte n’a pas été provoquée ou révélée uniquement par le mal événement « censurant une cour d’appel pour avoir constaté que » les douleurs chroniques survenues suite à l’accident, qui ne s’expliquent pas par les conséquences physiques de la contusion médullaire bénigne dont elle avait été victime lors de l’accident, étaient liées à une hystérie névrose dont l’origine remonte à l’enfance, et que l’agression psychique provoquée par l’accident avait, sur un terrain aussi prédisposé, provoqué l’apparition de symptômes névrotiques, limités dans le temps.

Cass., Crim., 11 janvier 2011, n° 10-81716: «les dommages résultant d’une infraction doivent être réparés dans leur intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que le droit de la victime d’un délit à obtenir réparation du préjudice corporel ne peut être réduit en raison d’une prédisposition pathologique, lorsque l’affection qui en résulte n’a été causée ou révélée que par le fait du délit « , censurant un tribunal d’appel pour avoir limité le droit de la victime à réparation à 25 % de la réparation des points de dégâts résultant de la coxarthrose, tandis que la « coxarthrose, jusque-là débutante et silencieuse, n’a été révélée que par l’accident et qu’en l’absence de celui-ci, la pose d’une prothèse n’aurait pas eu lieu dans un délai prévisible.

Cass., Civ. 2, 27 mars 2014, n° 12-22339 : « Mais puisque le jugement retient qu’avant l’accident, Mme X… n’avait pas d’antécédents psychiatriques ni de symptômes de conversion ou de décompensation mais que l’accident a décompensé une personnalité névrotique hystérique ; qu’avant l’accident, elle a travaillé à plein temps sans difficulté et a eu une vie personnelle et sociale occupée ; que l’accident sur un terrain prédisposé a provoqué l’apparition de symptômes névrotiques ; que le droit de la victime à être indemnisée pour préjudice corporel ne peut être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque la maladie qui en résulte n’a été provoquée ou révélée que par l’événement nocif ; celle de ces constatations et déclarations, découlant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des preuves, la cour d’appel qui n’était pas tenu de suivre l’expert juridique dans ses conclusions, a pu déduire l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre la décompensation névrotique présentée par Mme X… et l’accident.

Par son arrêt publié (C. Cass., Civ. 2, 20 mai 2020 n° 18-24095), la Cour de cassation a eu l’occasion de confirmer sa jurisprudence. En fait, il convient de noter que : le 23 août 2011, M. X… , alors âgé de 56 ans, a été victime d’un accident de la circulation, dans lequel le véhicule conduit par Mme Y… était impliqué, assuré auprès de la société MAAF assurances (l’assureur) X… se plaignant d’avoir reçu un « flash » et de ressentir des décharges dans les membres droits et inférieurs après la collision, a été transporté à l’hôpital où un traumatisme cervical bénin a été diagnostiqué dans les deux jours qui ont suivi l’accident, M. X… a présenté des tremblements de la main droite associés à des maux de tête une scintigraphie cérébrale a révélé un syndrome parkinsonien après expertise, M. X… a convoqué Mme Y … et l’assureur pour compenser ses pertes en présence de la mutuelle girondine.

Par un jugement du 3 septembre 2018, la cour d’appel de BORDEAUX a constaté que  » la maladie de Parkinson a été révélée par l’accident de sorte que cette condition lui est imputable et que le droit de M. X à réparation est complet et, par conséquent, à renvoyer le affaire devant le tribunal pour la liquidation du dommage « .

Au soutien de leur recours, Mme Y… et son assureur MAAF ont fait valoir que :

  • le dommage qui, constituant l’évolution incontournable d’une pathologie antérieure, se serait manifesté d’une certaine manière indépendamment de la survenance de l’événement générateur, n’est pas en relation causale avec celui-ci
  • en se bornant à retenir, à condamner Mme Y… et l’assureur à indemniser Monsieur X…, victime d’un accident de la circulation, des dommages résultant d’une maladie de Parkinson dont elle a elle-même constaté qu’elle « n’est pas une post-traumatique », affection en l’état des avis spécialisés recueillis par « l’expert juridique, que cette maladie n’avait été révélée que par le fait dommageable, sans chercher, comme cela lui était demandé, si l’affection ne se serait pas nécessairement déclarée tôt ou tard, ses conséquences ne pouvant, par conséquent, être entièrement supportées par le responsable de l’accident et son assureur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au titre des articles 4 de la loi du 5 juillet 1985 et 1382, devenue 1240 du code civil.

La Cour de cassation rejette le pourvoi :

  • approuvant la Cour d’appel pour avoir « déclaré que le droit de la victime d’un accident de la route à obtenir une indemnisation pour ses lésions corporelles ne peut être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en résulte n’a été provoquée ou révélée qu’en raison de l’accident »,
  • notant que « selon l’anamnèse de l’état de santé de M. X…, il n’avait été repéré avant l’accident ni tremblement ni maladie de Parkinson, à moins que la maladie de Parkinson ne soit pas d’origine traumatique selon les avis spécialisés recueillis par l’expert, il ressortait de ces mêmes opinions que cette maladie était, chez M. X…, un état jusque-là non reconnu, que selon les conclusions de l’expert il n’était pas possible de dire dans quel délai cette maladie serait apparue, que la pathologie de M. X… ne s’était pas extériorisé avant l’accident sous la forme d’un quelconque handicap, que cette affection n’avait été révélée que par le fait dommageable, de sorte qu’elle « lui était imputable et que le droit à réparation de M. X était complet  »
  • soulignant qu’il « n’était pas justifié que la pathologie latente de M. X…, révélée par l’accident, soit apparue dans un délai prévisible ».

La question de la discussion ne doit donc pas être posée sur l’existence ou non d’une prédisposition pathologique avant l’accident, mais plutôt sur la manifestation du premier avant le second, ce qui implique un examen attentif du dossier médical de la victime.

Dans son commentaire du jugement du 19 mai 2016 (Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n° 15-18784, Responsabilité civile et assurances n° 7-8, juillet 2016, comm. 213, Commentaire de Sophie HOCQUET – Professeur BERG à l’Université de Lorraine-Metz), le professeur HOCQUET-BERG a cité le professeur Noël DEJEAN de la BÂTIE: «Si (…) un vase très fragile ne résiste pas à un coup léger, celui qui l’a frappé peut-il le nier, cependant, que c’est lui, et lui seul, qui l’a brisé? (N. Dejean de la Bâtie, préface à la thèse de J.-C. Montanier, L’impact des prédispositions de la victime sur la causalité du dommage: thèse Grenoble II, 1981), pour illustrer ces discussions. Si la connaissance et la manifestation de l’état antérieur sont consacrées, il faudra alors discuter de l’aggravation causée par l’accident et des dommages qui en découlent. En effet, une aggravation peut à la fois augmenter les dégâts antérieurs et créer de nouveaux objets de dégâts (C. Cass., Civ. 1ère, 28 octobre 1997, n° 95-17274).

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