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Author Archives: Cabinet MESCAM & BRAUN

Accident de la circulation et offre d’indemnisation : petite(s) piqure(s) de rappel sur les obligations de l’assureur

Le législateur de 1985 a entendu protéger les victimes d’accident de la circulation de la résistance que pourraient opposer les assureurs à les indemniser ou à verser des provisions dans un délai raisonnable.

En résumé, l’article L211-9 du Code des Assurances prévoit que l’assureur doit présenter une offre d’indemnité dans les huit mois de l’accident ; l’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice. L’offre a un caractère provisionnel si la victime n’est pas consolidée. En cas de non-respect l’assureur s’expose aux sanctions de l’article L211-13.

Il semble toutefois nécessaire de temps en temps de faire un rappel à l’ordre et/ou d’apporter des précisions.

C’est ce qu’a fait la Cour de Cassation par une série d’arrêt du 12 octobre 2023 :

  • Elle rappelle tout d’abord qu’une offre provisionnelle ne se confond pas avec une quittance de paiement d’une provision. Cette offre doit ainsi comprendre tous les éléments et non se contenter de mentionner une somme sans plus de détails.
  • Les juridictions doivent aussi vérifier que l’offre est complète et suffisante et répondre précisément à la victime qui affirme le contraire.

Eu égard à la longueur des procédures, les pénalités prononcées à l’encontre des assureurs peuvent leur couter cher. Pour autant, elles n’ont pas toujours l’effet dissuasif attendu si on en croit les sanctions encore prononcées par les juridictions…

Lien arrêt 1

Lien arrêt 2

Lien arrêt 3

AVANT/APRES : MONSIEUR D. VICTIME D’UN ACCIDENT DE LA CIRCULATION

LES FAITS

En 2017, Monsieur D. est victime d’un accident de la circulation alors qu’il se rendait sur son lieu de travail.  Cet accident est pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.

Il présente à son arrivée aux Urgences une entorse du rachis cervical, une contusion dorsale et de l’épaule gauche.

Une IRM effectuée quelques semaines plus tard met en évidence la nécessité d’une intervention au niveau de la coiffe des rotateurs.

Malgré les soins, la médecine du travail l’a déclaré inapte à son poste de charpentier.

AVANT NOTRE INTERVENTION

Considérant que la lésion de l’épaule gauche était liée à un état antérieur dégénératif, l’assureur refusait d’indemniser la perte de revenus liée au licenciement ainsi que l’incidence professionnelle induite par la reconversion professionnelle.

Le taux de séquelles retenu par le médecin de l’assureur était de 2% et l’offre de la compagnie s’élevait à 9.050€.

APRES NOTRE INTERVENTION

Le médecin mandaté par le Cabinet Mescam & Braun a de son côté retenu des séquelles à hauteur de 6% incluant les lésions de l’épaule gauche.

Considérant, comme le fait la Cour de Cassation, que l’état antérieur latent révélé par l’accident doit être indemnisé comme une conséquence de l’accident, le Cabinet a saisi le Tribunal d’une indemnisation au titre de la perte de revenus et de l’incidence professionnelle.

Le Tribunal de Bordeaux le 27 juin 2022 a alloué à Monsieur D. une indemnisation de 96.280€ comprenant 25.000€ de perte de revenus (après déduction de la rente accident du travail) et 40.000€ pour l’incidence professionnelle.  

En résumé,                        

Avant avocat :

  • Pas d’indemnisation de l’état antérieur révélé par l’accident
  • Offre assurance : 9.050€

Après avocat :

  • Indemnisation de l’état antérieur révélé par l’accident
  • Indemnisation : 96.280€

AVANT/APRES : MONSIEUR F. VICTIME D’UN ACCIDENT DE VOITURE

LES FAITS

En 2016, Monsieur F. est victime d’un accident de la circulation ; il souffre de blessures au poignet droit, à la jambe droite et au bassin.

Après plusieurs mois d’arrêts de travail, il est déclaré inapte par la médecine du travail à son poste de chauffeur livreur poids lourd.

N’ayant d’autres choix en raison d’une situation financière compliquée, il se lance dans une activité de chauffeur VTC.

AVANT NOTRE INTERVENTION

Vu en expertise seul par le médecin mandaté par la compagnie, Monsieur F. se voit reconnaitre un taux de séquelles de 4%. Sur le plan professionnel, le médecin relevait que son état de santé n’est pas incompatible avec les activités de chauffeur.

L’offre d’indemnisation de l’assureur s’élève alors à 24.933€ dont 0 au titre de la perte de revenus et 0 au titre de la nécessité d’effectuer une reconversion professionnelle.

APRES NOTRE INTERVENTION

Une nouvelle expertise dans le cadre d’un arbitrage a été organisée pour que soit évalué l’impact de l’accident sur l’activité professionnelle exercée par la victime au moment de l’accident (et non au moment de l’expertise).

Un taux de séquelles a été retenu à hauteur de 5% mais surtout il était relevé que « le retentissement professionnel était majeur, en raison de l’inaptitude pour le poste de chauffeur poids lourds, à la manutention répétée des charges et à la station debout prolongée. »

Le Tribunal de Bordeaux le 30 novembre 2023 a alloué à Monsieur F. une indemnisation de 394.358€ dont 342.800€ au titre de la perte de revenus entre l’activité de chauffeur poids lourds et celle de chauffeur VTC et 17.000€ au titre de la reconversion professionnelle rendue nécessaire par l’accident.

En résumé,                        

Avant avocat                                                           Après avocat

Pas de retentissement professionnel                      Reconnaissance d’un retentissement professionnel

Offre assurance : 24.933€                                       Indemnisation : 394.358€

La pension d’invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

C’était un arrêt très attendu depuis celui rendu par l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation le 20 janvier dernier qui avait alors jugé que la rente accident du travail n’indemnise plus le déficit fonctionnel permanent.

Se posait alors la question de la pension d’invalidité. C’est chose faite !

Dans son arrêt du 6 juillet 2023, la deuxième chambre civile dans un moyen relevé d’office a jugé que « désormais, le pension d’invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent ».

Cette position est précédée d’une remarquable démonstration de son raisonnement avec rappel de la méthode de calcul de la pension d’invalidité : « Cette jurisprudence [antérieure], qui se justifiait par le souhait d’éviter des situations de double indemnisation du préjudice, se conciliait imparfaitement, ainsi qu’une partie de la doctrine a pu le relever, avec les modalités selon lesquelles cette pension est calculée. En effet, selon les articles R. 341-4 et suivants du code de la sécurité sociale, elle est déterminée, de manière forfaitaire, en fonction du salaire annuel moyen de l’assuré et de la catégorie d’invalidité qui lui a été reconnue. 

30. La Cour de cassation, qui décidait, depuis 2009, que la rente accident du travail indemnisait les postes de pertes de gains professionnels et d’incidence professionnelle ainsi que celui du déficit fonctionnel permanent (notamment 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155), a remis en cause sa jurisprudence par deux arrêts rendus en assemblée plénière qui ont jugé que la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947 et Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23.673, publiés).

Le calcul de la rente accident du travail se fait, comme pour la pension d’invalidité, sur une base forfaitaire, de sorte qu’une distinction entre les modalités de recours des tiers payeurs selon qu’il s’agit de l’une ou l’autre prestation ne se justifie pas.

L’ensemble de ces considérations conduit à juger, désormais, que la pension d’invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. »

Lien Légifrance

La Cour de Cassation réaffirme sa jurisprudence

Le 15 décembre 2022, la Cour de Cassation est revenu dans un arrêt sur plusieurs principes pour les réaffirmer.

La Cour d’Appel de Toulouse se voit rappeler à l’ordre sur plusieurs points :

  • Sur la question de la perte de revenus actuels, la Cour de Cassation censure les Juges du fond d’avoir retenu que seul l’arrêt effectif de toute activité entrainant cessation de revenus peut être indemnisé. Doit en effet être indemnisé la perte de revenus dès lors que les douleurs ont un retentissement sur l’activité professionnelle. Il n’est pas nécessaire que la victime cesse toute activité.
  • Sur la question de la tierce personne, la Cour de Cassation rappelle sa jurisprudence constante et établie : le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être réduit en cas d’assistance familiale ni subordonné à la justification de dépenses effectives. Le rappel à l’ordre portait sur le refus de la Cour d’Appel d’indemniser la majoration de 10% correspondant aux charges patronales. Est aussi relevée la contradiction de motifs de l’arrêt qui motive une tierce personne à 22€ de l’heure mais fait le calcul sur la base de 20€.
  • Sur la question de l’évaluation, la Cour de Cassation rappelle que les Juges du fond ne peuvent pas débouter la victime d’une demande d’indemnisation d’un préjudice dont ils ont admis le bien fondé. Il appartient alors aux magistrats au regard des éléments produits par la partie demanderesse d’apprécier le montant de l’indemnité. La tentation est en effet souvent grande pour le régleur, même quand le préjudice ne fait pas débat, de demander encore et toujours plus de pièces pour écarter son indemnisation aux motifs d’une impossibilité de calcul qui bien sûr serait imputable à la victime…  

Lien Judilibre

La question de l’état antérieur évoluant pour son propre compte dans l’indemnisation de la victime

La cour de Cassation de manière ancienne et constante considère que « le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été ni provoquée ni révélée que par le fait dommageable ».

Elle le rappelle régulièrement et a du encore une fois le rappeler par un arrêt du 9 février 2023.

Souvent évoqué dans le cas de l’état antérieur (non connu ou asymptomatique) de la victime aggravé par le fait dommageable, il est aussi fréquent de rencontrer des victimes atteintes d’une « pathologie évoluant lentement pour son propre compte ».

S’engouffrant dans ce vocable, le régleur fait alors valoir pour minimiser l’indemnisation, et alors même qu’elle est asymptomatique, que tôt ou tard la victime aurait souffert des conséquences de cette maladie. Les victimes se voient alors tout juste reconnaitre une dolorisation d’un état antérieur.

Dans cette logique de raisonnement, la Cour d’Appel avait donc refusé l’indemnisation de l’incapacité professionnelle de la victime par cette motivation : « Si l’état dégénératif arthrosique n’était pas symptomatique au moment de l’accident, il ne s’agit pas d’une pathologie latente soudainement décompensée, mais d’une pathologie évoluant lentement et pour son propre compte, qui existait antérieurement à l’accident et qui, faute de nécessité d’un examen d’imagerie adaptée, n’avait pas, jusque-là, été mis au jour. »

Rappel à l’ordre la cour de Cassation qui reprend la motivation habituelle.

Ainsi, il n’y a donc pas à distinguer, comme l’a fait la Cour censurée, entre pathologie latente décompensée et pathologie évoluant pour son propre compte.

Lien Cour de Cassation

Indemnisation des besoins en tierce personne durant les périodes d’hospitalisation de la victime

L’assistance tierce personne (ATP) permet l’indemnisation de la victime dès lors qu’une assistance est rendue nécessaire par son état de santé. Cette aide peut être temporaire ou définitive et revêtir plusieurs aspects (surveillance ; assistance à la personne pour l’habillage ou la toilette ; aide ménagère ;  aide pour les déplacements…)

Cette assistance ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime ; elle indemnise aussi sa perte d’autonomie la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne. Elle doit ainsi permettre à la victime de préserver sa sécurité et contribuer à la restaurer dans sa dignité.

Or trop souvent, par principe, l’aide à la tierce personne se trouve écartée durant les périodes d’hospitalisation, la question n’étant même pas abordée en expertise.

La motivation de la Cour d’Appel censurée en l’espèce par la Cour de Cassation est éloquente à ce sujet puisqu’elle considère que « l’hospitalisation tend à suspendre les contraintes de la vie quotidienne et garantit au patient un niveau élevé de sécurité ».

La censure de la Cour de Cassation rappelle une réalité de la situation des victimes : leurs besoins ne cessent pas à l’entrée de l’hôpital.

En effet, la victime peut avoir besoin d’une aide y compris pendant les phases d’hospitalisation (entretien du domicile, aide à des services administratifs, accompagner les enfants à l’école, s’occuper des animaux de compagnie…)

La Cour de Cassation le 8 février 2023 rappelle donc que l’indemnisation au titre de la tierce personne ne peut être écartée par principe du fait de l’hospitalisation.

Lien Cour de Cassation

Calcul du préjudice économique par ricochet d’un enfant en cas de divorce des parents

Le 19 janvier 2023, la Cour de Cassation apporte des éléments de précision d’une grande utilité sur le calcul du préjudice économique d’une victime par ricochet, en l’occurrence un des enfants de la victime directe.

En cas de décès de la victime directe, le calcul du préjudice économique de la famille (en réalité les membres du foyer fiscal) n’est pas chose aisée puisqu’il est tenu compte des revenus avant décès tant du foyer fiscal que de la victime directe, de la part d’autoconsommation de chacun d’entre eux et enfin de l’espérance de vie ou dans le cas des enfants de la durée prévisible du maintien au domicile des parents.

Une difficulté supplémentaire intervient dans l’hypothèse où les parents sont divorcés : faut-il tenir compte de la contribution à l’entretien et à l’éducation (la pension alimentaire) que le père versait à la mère décédée ?

Pour la Cour de Cassation, le préjudice économique d’un enfant du fait du décès d’un de ses parents doit être évalué sans tenir compte ni de la séparation ou du divorce de ces derniers, puisque cette circonstance est sans incidence sur l’obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, ni du lieu de résidence de celui-ci.

Lien Cour de cassation

Pouvoir souverain des juges du fond du choix du barème de capitalisation

Chambre civile 2,  10 Décembre 2015, JurisData 2015-027592

Tenue d’assurer la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel a fait application du barème de capitalisation qui lui a paru le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation pour le futur ;

Cet arrêt intervient sur pourvoi de l’assureur qui reprochait à la Cour d’Appel d’avoir retenu le Barème de capitalisation publié en mars 2013 par la Gazette du Palais, arguant d’un enrichissement de la victime.

Par le rejet du pourvoi, la Cour de Cassation a confirmé sa jurisprudence habituelle et n’a consacré aucun barème : l’appréciation du barème de capitalisation relève du pouvoir souverain des Juges du fond.

La mini-moto ou pocket bike : un véhicule terrestre à moteur

Cass. 2e civ., 22 oct. 2015 : JurisData n° 2015-023628

« Mais attendu qu’ayant constaté que la mini-moto pilotée par Shirley L. et dont M. M. avait conservé la garde au moment de l’accident se déplaçait sur route au moyen d’un moteur à propulsion, avec faculté d’accélération, et ne pouvait être considérée comme un simple jouet, la cour d’appel qui n’avait pas à procéder à la recherche inopérante visée par le moyen en a exactement déduit qu’il s’agissait d’un véhicule terrestre à moteur au sens de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 »

Il parait évident au vu des critères l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 et de l’article L. 211-1 du Code des assurances que la mini moto revêt la qualification de véhicule terrestre à moteur.

Il appartient à présent aux propriétaires et assureurs d’en tirer les conséquences qui s’imposent. Dans l’arrêt mentionné une difficulté est née de l’absence d’assurance automobile et du refus d’extension de la garantie responsabilité civile vie privée.  En l’état de cette jurisprudence, on semble donc  se diriger vers la nécessité d’une assurance automobile pour couvrir les dommages survenus à l’occasion de la conduite de ce type de « jouets »…

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